J’ai fait cette erreur. Et ç’aurait dû m’être
fatal ou du moins rédhibitoire. Comment voulez-vous recoller au monstre ? Réemprunter
le sillon du bolide ? Retrouver les trépidations de la machine, aurait vêlé la Bardot au boeuf Gainsbourg ? Facile. Ca vient tout seul, y a pas à forcer le
destin ; il est là, tout cru, prêt a régner, prêt à massacrer et il s’appelle Motörhead.
Je le savais. Que Patrick Foulhoux baignait dans son jus ; on ne se refait pas.
Expression fausse puisque le gazier se refait constamment, passant du
témoignage au travail fouillé du journaliste chroniquant moult groupe
dont nul quidam ici-bas, accroché au réseau tel le veau et ses ataviques compères
d’abattoir à leur bavoirs, n’aurait souvent la moindre idée.
C'est dire si Motörhead, lui, il connaît.
Et son écosystème sur le bout des palmes, à l’image
de Patrick Duffy nageant dans les eaux turquoises* d’une piscine de Miami avec
cette même grâce duveteuse avec laquelle il jette un œil d’entomologiste compréhensif
sur Mireille Mathieu dans “Together we’re strong”.**
Ça commence par un black-out sur la planète. Plus de son du tout. La cause : une zone blanche dans laquelle la terre se serait engouffrée. Un dysfonctionnement astral ?
Comme le dit l’auteur :
“Seule certitude, chaque seconde qui passe
peut ouvrir une faille spatio-temporelle entre le maintenant et l’ailleurs, là
ou jamais la raison humaine ne s’est aventurée”.
Si l’ennemi est le silence, la réponse sera donc : Le tréma sur le o. Et qui mieux que Motörhead, spécialiste en la
matière, pour fabriquer ce mur du son au particularisme langagier si précis ?
“Déjà, à l’époque Hawkind, son premier groupe, Lemmy établit une cartographie
du silence, son ennemi juré. Il
l’épie. Le traque sans cesse. En composant des chansons, il s’attache à ne
laisser aucun espace entre deux notes. Quand il monte un morceau avec le
groupe, il demande aux autres musiciens de boucher les trous et de redoubler
d’intensité afin d’imperméabiliser la chanson”.
Les services secrets sont sur les dents, la NASA ne dort plus. Le vaisseau Motörhead
surgit alors des tréfonds de l'océan pour rétablir la balance et traquer le
moindre silence.
“Bilan de l’opération, le son revient à la
normale dans le sud de l’Europe, mais crée, de fait, un déséquilibre inquiétant
avec le nord du continent qui continue de vociférer à 180 décibels. Les ondes
suédoises, norvégiennes, danoises, finlandaises sont prises dans les watts.
Toute la population tourne casaque. A la tombée de la nuit, des bûcherons se
griment le visage pour aller décapiter des poulets en forêt et brûler des
églises médiévales.”
Époque, musique, politique, tout y passe. Grand délire, barnum sauce folie furieuse, Patrick Foulhoux ne se prive de rien, et c’est tout ça, finement entremêlé, carburant au son du groupe et à ce qu’il peut occasionner à la planète toute entière (paradoxalement pour la sauver) jusque dans le monde du silence lui-même, qui est jubilatoire.
Pas de soucis d’ego ici, mais des haltères, puisqu’on y soulève du lourd. Poésie, élégie, héliographie, magie, damnothérapie, hymne de loufoquerie et livre poilant d’une richesse infinie.
Rien ne pouvait définir et honorer mieux le Ace of Spades du groupe Motorhead que ce turbo-livre ovni.
OPERATION ACE OF SPADES, Patrick Foulhoux, Editions Mono-Tone.
https://www.mono-tone-records-editions.com/livresbooks/p/patrick-foulhoux-pratin-ace-f-spades
* : Patrick Duffy est un comédien américain qui s’est notablement faire
remarquer dans la série « l’homme de l’Atlantide », cet homme-poisson qui évoluait grâce à des pieds devenus des palmes (il arborait,
de ce fait, ou d’un autre, un maillot de bain jaune du meilleur effet).
** : Oui je sais, je mourrai indigne. Outre cette carrière
génialissime, doublé d’apparitions aussi poussives dans la
série Dallas, Patrick Duffy tentera une sorte de carrière européenne dans la
chanson gluante. En résulta cette ignominie et la preuve, parfois, que le
silence s’avère, malgré tout, nécessaire.
Merci beaucoup pour cette belle chronique Stéphane.
RépondreSupprimerDe rien ! J'ai adoré !
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