dimanche 5 janvier 2020

Welcome to the club / 20 nouvelles électriques inspirées par Les Thugs

Les Thugs, personne ne vous racontera l’histoire de ce groupe mieux que ne le fait Frank Frejnik dans la préface de ce recueil. C’est l’histoire de p’tits gars d’Angers, dont deux frangins, les Sourice, qui vont un jour décider de se retrouver pour jouer « deux trois accords ».
Et puis, au fil du temps, une impitoyable maitrise sonore apparaitra, en plus de la consolidation d’une incorruptible maisonnée, la famille Thugs, ce genre de rocs à ne jamais se laisser lécher, bouffer, ronger, trop lamentablement polir par les coups de langues successivement acides d'une mer d'usure comme d'un regroupement d'usuriers.

Mon histoire Thugs pourrait être le récit d’un soir pas comme les autres, même s'il y en eut plusieurs.
Loudéac, rapport à l’endroit où nous trouvions (Pluvigner/Morbihan), est cette petite ville centrale à la Bretagne, facilement accessible de partout. Après quelques heures de comptoir (Pluvignois donc), une petite heure de route, une demi-douzaine de joints où un très élaboré Space-Cake, nous finissions par y arriver pour en repartir dans la nuit, à peu près aussi cramés que le territoire Australien tout entier.
Notre pilote était soit propriétaire du véhicule soit le moins défoncé d’entre nous. Si toutefois l’élu se fadait la double casquette, nous trouvions toujours, après un conciliabule vasouilleux incompréhensible aux non-initiés, la solution d'un ou d’une copine tenant un peu mieux la route (le volant).

A l’époque, nos carrosses/citrouilles étaient, selon disponibilité (du pilote) : une 2 CV, une CX d’époque Gaullienne (avec sièges vous plaçant les genoux dans les dents et portières tenues par des tendeurs) où une Ford Taunus montée sur un châssis R 12.
Toutes possédaient ce magnétocassette (Dick Autoreverse, j’avais baptisé le pilote d’une de ces curiosités malgré son désaccord) qui nous faisait repérer par la flicaille des kilomètres en amont, sur la rase plaine intérieure verdoyante du Morbihan. Un convoi volontairement resserré, afin que les deux véhicules ne se fassent chopper en même temps, les flics n’étant jamais en effectif suffisant pour stopper la compagnie toute entière. En règle générale, ils arrêtaient donc le premier véhicule et le palais Saoudien de la défonce qui suivait, fumée aux fenêtres, pouvait aimablement continuer sa route.

Deux écoles, ou familles. Les festifs, les profonds. Les Ludwig et les Thugs était un exemple de cette inaltérable barrière (déjà) entre genres, même si tous ces groupes étaient plus ou moins fourrés sous le label (vu l’activisme maillant tout le territoire à l’époque) : rock alternatif.

J’ai alors compris, après avoir vu les Thugs faire cette première partie des mêmes Ludwig (à Loudéac ou ailleurs) que rien ne serait plus pareil dans ma tête et dans l’histoire du rock. Et que ces mêmes pauvres Von 88, même s'ils avaient bataillé rudement, n'auraient pu lutter longtemps contre la tornade de première partie qui venait, elle, de littéralement tout emporter.
L'orage cosmique qui s'était propagé une à deux heures durant, avec quelques paroxysmes dont on ne redescendrait jamais, avait laissé des traces indélébiles dans l’âme des simples restés bavés là ce soir. Devant, derrière, partout dans la salle, ça sentait la fin du monde et le chaos mental.

 Ainsi, lorsque je sus qu’un recueil de nouvelles était en route, j’ai d’abord pensé qu'il était impossible de refaire parler la foudre. Et pourtant si, en particulier parce que la foudre avait été transmise à ceux et celles qui avaient vécu ces instants-là en profondeur.

Je vous rassure, c’est pas un orage que vous allez vous prendre sur le coin du nez en lisant cet opus, mais plutôt les histoires simples des survivants que nous avons tous été ce soir-là, à Loudéac ou ailleurs, ébahis, fascinés, envoûtés, extatiques. Ceux qui bavaient, ceux qui rêvaient, ceux qui sont restés à jamais perché, et c’est ça, le plus beau. Ce groupe vous arrimait au plafond après vous avoir fait grimper au rideau. Et ce qu’ils nous ont donné là, c’est la faculté et le pouvoir de ne jamais plus en redescendre.
On ne vous récite pas un concert, vous avez les vidéos et les albums. Juste une idée de l’atmosphère, un ressenti, comme vivre les à-côtés, retrouver l’instant, l’avant, le pendant, l'après, l’ailleurs. Alors jetez-vous dans ce recueil comme dans un slam.

Je ne vais pas être exhaustif, et encore moins vous faire un classement idiot, vecteur d'un décernement de prix de mes deux, puisque la lecture que j'en ai faite n'appartient qu'à mes goûts propres, mon humeur, la façon dont j'ai apprécié un récit à un moment où mon plaisir à gouter la plume qui le porte. En vérité, je ne vais même pas évoquer les nouvelles, ou si peu, puisque c'est un travail collectif qui en ressort, un tout riche, cohérent, puissant, parfois extrêmement émouvant, mais également aussi léger et tonique que la caresse d'un riff.

Celui d’un groupe, quoi.

Même si, trois petites préférées, quand même :

I love you so / Pierre Domengès
Peut-être une des plus belles, convoquant la mémoire, le fait de l'honorer et le présent. Un type, un blockhaus devenu dégueu, sa décision radicale d'en fermer l'ouverture. Mais un élément va infléchir la décision. Très jolie nouvelle symbole de grande ouverture, et d’acceptation du présent, justement.

As happy as possible / Stéphane Pajot
On a coutume de dire que le rock c'est tout à fond (Wampas inside). On a bien raison de le dire. Cette nouvelle est une ode à la vie jusqu'au bout, à la combativité et à la générosité jusqu'au dernier souffle. Crever sur scène ? Ok. Mais uniquement dans le plus grand feu d’artifice musical possible. Avec un clin d'œil, et dans leur propre rôle, à Eddie Bonin, Jean Luc Manet, Jean Noel Levavasseur.
Malicieuse et touchante (vécu ?)

Allez les filles /Marion Chemin
Autre nouvelle très touchante, probablement parce que la plus personnelle. De celles qui ne vous donnent plus jamais envie d’entendre : « Allez les gars ».
Aussi simple qu’émouvante.


20 nouvelles, 20 auteurs. Le pilote du bombardier, Jean Noel Levavasseur, une photo de couv signée J. Lacôte et un éditeur : Kicking.


Enfin, comme le dit Jean Luc Manet sur la quatrième de couv’ :

« Les Thugs furent-ils le meilleur groupe d’ici ou le meilleur groupe du monde ? »

 Réponse : Les deux, assurément.




Suspended Time /Jean Luc manet
Le schpountz / Alain Feydri
Immigrés clandestins /Marc Villard
Birds of Ill Omen /Patrick Foulhoux
Waiting / Stanislas Petrosky
Dreamers Song / Jérémie Grima
Sunday time /Karine Médrano
Birthday / Thierry Saltet
Papapapa / Eddy Bonin
See you soon / Giuglietta
Désert Days / Olivier Martinelli
Welcome to the club /Luna Satie
I love you so / Pierre Domengès
Dirty white race / Silvère Vincent
As happy as possible / Stéphane Pajot
Allez les filles /Marion Chemin
Mad Train (vs Femme Fatale) / Max Well
And he kept on whistling / Stéphane Le Carre
Without Annie / Frédéric Prilleux
Bonus Track : I love this way / Jean-Noël Levavasseur


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