jeudi 14 octobre 2021

A l’épreuve de l’inhumanité. Sur AMERICAN INSURRECTION (titre un peu merdique pour un film plus grand qu’il n’y parait)

Envoutante mise en scène que celle de ce Huit-clos tragique d’une mise sous code-barre des dites « minorités » (non-blanc, non-hétéro, non-catholique) en une Amérique abandonnée aux (pouvoirs locaux de) milices d’extrême-droite.

En résonance avec l’époque et probablement, aussi, pour le réalisateur, avec le fait d’avoir vu un jour ce genre de milices envahir le Capitol.

Postulat : Deux couples d’amis sont cachés dans la ferme isolée d’un milicien (attaché dans sa propre grange) dont un des privilèges (parmi ceux des dits “Volontaires”) est de ne pas avoir à subir de survol de drone à reconnaissance code-barre (tatouage vous désignant homo, étranger, etc) dans le périmètre de son habitation proche de la frontière Canadienne.

Idée : Fuir les USA pour aller justement se réfugier au Canada.

Moyens : Un pick-up planqué sous une bâche dans la forêt, une radio amateur pour suivre les messages de ces “Volontaires” chassant l'humain marqué dans les parages et surtout capter celui du passeur qui leur fera traverser la frontière, et enfin une organisation et une rigueur voulue sans failles pour rester loin des radars donc en vie.

Mais le sauvetage du massacre d’un jeune homosexuel par une des protagonistes va changer la donne et faire d’eux des proies pouvant potentiellement basculer à leur tour (dans la panique, la folie, la violence).
L’épaisseur tragique de ces rôles où certains s'agrippent à leur reste d’humanité tandis que d’autres, pour protéger parfois un simple secret intérieur, succombent à leur tour à la violence, est remarquable.

Passer, sans tomber dans le pathétique, la caricature ou le ridicule, du drame intime vécu par certains (l’homosexualité du type marié à la femme musulmane, celle-là même qui nourrit jour après jour le suprémaciste tout en cherchant à le comprendre) à la tragédie extérieure liée à celle du pays est, et c’est assez rare pour être souligné, très réussi, et aussi finement joué que terriblement ciselé. En vrai travail d’orfèvre questionnant notre humanité comme les raisons qui nous conduisent à une inhumanité destructrice.

D’imbrications humaines en parcours légitimant ou non la vie dans laquelle on se retrouve engoncé, jusqu’aux désirs étouffés qui détermineraient alors notre propre aveuglement volontaire, tout est passé au prisme et au grill dans ce film. L’état permanent de terreur intérieure et de violence extérieure semblant alors justifier un test grandeur nature où nous éprouverions alors la qualité et profondeur de ce mince fil sur lequel est fondée, avec la raison, notre humanité.
Envers l’autre et vis-à-vis de l’autre.

William Sullivan a mis tout ça dans son film, et la multiplicité des propos tiennent en équilibre par miracle ou plutôt, me semble t’il, grâce à l’épaisseur, la complexité et la fascinante richesse intérieure des personnages.
La tragédie (grecque ?) qui se noue également au cœur de chaque être, a, je pense, rarement aussi bien été (dé)montrée.

Mais est-il encore temps de raisonner, ou y a t’il encore un espoir pour cette raison, dans un monde dévoré par la haine ?

Oui, plus que jamais, sinon plus rien n’a de sens, semble alors dire, en quasi-missionnaire mystique (angélisme ? scénario plausible ?) le personnage de la femme musulmane joué par Nadine Malouf. Même si son traumatisme à elle (en plus de ceux dus à son identité et à sa religion) vient de l’attaque terroriste d’une de ces milices sur une mosquée tuant la quasi-totalité de sa famille.

L’affiche tape à l'œil semblerait presque ramener à un American Nightmare (la série) voyeuriste et passablement débile (que ce film n’est pas, bien au contraire).
Non, ici se joue la dramaturgie d’un pays rongé par ses démons tel le songe funeste d’un futur qui pourrait très bien nous arriver un jour.
Fable et tragédie moderne qui vaut plus que le coup d'œil, American Insurrection est une Œuvre marquante et marquée, et pour ma part, un de ces Best film ever vu depuis un bout.
(à ne pas confondre avec le documentaire du même nom sorti quelques années auparavant)

On ne pourra pas dire qu’on ne savait pas.
Par sûr qu’il sorte dans les parages, mais si oui, courez le voir, avant de devenir vous-même une proie. 🙂


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