mercredi 21 décembre 2022

Qavatar

 Ce qu’il faut comprendre c’est l’enfance et ce qu’il nous en reste.

Ce qu'il faut comprendre, c’est l’absolue et passionnante légèreté, au fond, d’un jeu, où l’on défend sa petite chapelle, autour de laquelle, comme n’importe quel village, on aurait besoin de se retrouver pour croire, se faire croire ou même vérifier le fait qu’on ferait parti intégrante d’une communauté.

Penser, enfin.
Ce qu’il faut aussi comprendre c’est le collectif. Et l'idée collective qui n'empêcherait pas à l'individu "d'exister", bien au contraire (« de s’exprimer », terminologie significative du foot, l’expression étant celle des pieds tandis que le langage lui, ne serait plus que quelques mots-clés).

Si Macron a instrumentalisé à outrance ces moments tel un message à passer à la nation, il sait surtout que cette même nation est en partie happée par la dramaturgie du déroulement d’un match pareil (la finale), à l'image d'un film improvisé un peu dément.

Après tout, ne préfère t’on pas la fiction au réel ? Ce qu'ils créent et ce qui fait que ça marche si bien, c’est qu’ils fabriquent une fiction en temps réel, sans scénario, en improvisation permanente tout juste bornée de quelques règles (d'arbitrage).

Là où tout raisonnement (nécessaire, conscient, argumenté) venant de l’extérieur deviendrait un inutile, négatif culpabilisant et froid ballon de baudruche vide de sens émanant de personnes “qui ne connaissent rien au football” (probablement, mais là n’est pas la question/ comment fait on pour se comprendre si on ne parle pas de la même chose ?). De ces personnes qui n’auraient donc pas voix au chapitre.
Parler Football équivalant finalement au fait de ne parler de rien.
Les gens savent, enfin à peu près, ce qui se passe et s’est joué au Qatar. Mais, en vérité, ce qu’ils répondent, c’est :
- Et alors ? 

Des dupes ? Des imbéciles, incapables de comprendre, des cyniques, ou plus communément, et dit par certains, des collabos ?

On peut effectivement le voir comme ça, quand tout esprit critique est évacué, mis à mal, volontairement escamoté, stigmatisé, là où on ne se contente plus que de parler que du contenu d’un match, comme si celui-ci devait être sa seule justification du fait même qu'il existe et qu’il emporte les foules ? (comme d’un cinéma bankable qui remplirait les caisses).

Mais pourtant, de quelle sorte de collaboration parlons-nous alors, dès lors qu’il est question d'un jeu et d’enfants qui le regardent émerveillés ?
Et pourquoi tu te révoltes pas coco ?
D'une, parce que tant qu'on me refile du foot, un salaire et Noël, ça me va, ça me détend, je peux penser à rien, deux, parce que justement, le foot, c’est avant tout un jeu, un kif, une joie, une fête, une angoisse feinte à se faire peur ou à pousser la chansonnette ensemble, une légèreté sans (apparente) conséquence dans un monde décidément trop dur, un rassemblement collectif qui justement met cette dramaturgie en scène, et parce qu'enfin, tu aimes le spectacle, au fond, comme tout enfant, et que ce jeu, ben c’est un peu comme celui de la vie (qui se jouerait alors sur un terrain).

Et tu te révolterais, toi, contre l’expression de la vie ? Contre la joie de vivre, de se sentir vivant ? (et ce même pour des raisons pitoyables, forcément coupables ?)

Dans le monde Macron, l’instrumentalisation politique, la récupération et la recherche de l’assentiment populaire sont les éléments qui lui ont fait  utiliser l’évènement pour faire passer des messages “symboliques” (se serrer les coudes en période duraille, sourire au bel azur publicitaire) à la nation.
De l'autre, militantisme et volonté de recherche de conscientisation virent parfois malencontreusement à la culpabilisation, et de ce fait, devenant injonction, met
tent à mal le propos qu'ils voudraient servir, lorsqu’il ne parle plus à personne, lorsqu'il rabâche ses mots clés ou ses justifications (arguments) finissant même parfois par virer approximation. Jusqu’à ce que les militants se rendent compte qu’il n’y a plus personne, dans la classe, auprès du prêche, au pied du crachoir, à les écouter, et que bien au contraire, tout le monde aura été se réfugier dans le gymnase d’à côté où palpite la vie, la chaleur, l’autre, la passion, le frémissement, mais aussi et surtout l’action où l'histoire-même, tiens, sait-on jamais (le foot, énième paradigme, créant désormais sa forme d’histoire parallèle / sentiment de peuples qui ne voudraient plus du réel ? Ou seulement d'un hyper réel fabrique pour ? Qui en ont suffisamment bouffé ? Qui finalement s'accorderaient de ce mensonge puisqu'il les conforte dans l'inaction et le refus d'agir ?)

Oui, aussi, probablement.

L'Ukraine et toutes les crises sociales sur lesquelles on aurait alors plus du tout de prise, reléguées au second plan ? Oui, mais pour un temps, autorisé, entre 28 minutes de pub, car le réel du monde, les chaînes d'infos et ta propre vie sont là pour te le rappeler à chaque instant.

Casser ce jouet, celui de cet enfant que nous sommes parfois devant ces spectacles ? Pour quelle réalité devenue quasi-impossible à infléchir ? Et pour la remplacer par quoi ?

Utopie ?
Mot qui porte en lui-même l’expression de sa quasi-impossibilité finale ?

Et puis il y fait chaud, dans ce gymnase, et on y vit des émotions folles et légères, parce qu’on est bien, là, à hurler, tous ensemble (tous ensemble, tous ensemble, ouais !) même si hurler sur ça et pour ça et comme ça, peut sembler dément au regard d'une civilisation se disant développée ou seule la culture devrait apporter richesse et partage.

Reste la naïveté enfantine du jeu et son efficacité, puisqu'elle touche tout le monde tout le temps, un nombre impressionnant de gamins ayant été formé dans des petits clubs, de villes en villages, ce qui en explique en partie l’engouement et sa portée
 d’innocence donc de quasi-sacré.
Mais que reste t'il de
s jeux d’enfants au milieu des enjeux adultes ?

Nous, les spectateurs. Prêt à admirer l'enfant du bourg et à huer celui de l'autre, jusqu’à finalement ne plus exister qu'autour de ça, ou par ou pour ça.

Le foot instrumentalisé politiquement ? Du fait de son irrésistible et désormais très mondialisé succès, oui, par tous les bords et encore plus maintenant.
Car effectivement, s’il ne devait y avoir qu'une vérité constitutive de la réalité, elle serait simplement faite de ça :
- Crise 2008.
- Besoin d'argent (entreprises, etc)
- Rapprochement (à L'Elysée) Sarkozy-Emirats-Platini (UEFA, copain européen influent de la FIFA).
- Obtention de la Coupe du Monde de Foot au Qatar (2010, tiens donc)
- Reprise du PSG par un émir Qatari se proposant de financer le bazar
- Gros pognon
- Soft power et réseaux d’influence.
- Hollande et son ministre signant des contrats d'armement et autre avec le Qatar
- Mallettes de biftons.
- Business plan.
- Constructions à tout-va
- Erections hors-normes de tours high-style (Dubaï, Doha, etc)
- Développement exponentiel d'un pays devenu ultra capitaliste (tout en restant un régime féodal/ la Chine doit en être jaloux)
- Architectes occidentaux bankable
- Chantiers démentiels refilés aux industriels mondiaux du BTP
- Négociation et médiation (contrepartie, un service contre un autre)
du Qatar dès lors qu'un otage occidental se fait enlever dans un pays du Maghreb (Iran, Irak, Syrie, Arabie saoudite, Yémen, Afghanistan, organisations islamiques de tout poils)
- Intérêts pétroliers
- Intérêts gaziers
- Intérêts financiers
- Géostratégie
- Désormais the place to be
- Coupe du monde
- Centre du monde
- Guerre
- Crise énergétique
- (ça tombe bien, on a du) Gaz liquide en quantité démentielle (frottage de mains)
- Corruption de fonctionnaires Européens
- Dépendance énergétique avant dépendance tout court ? Ou simple partenariat entre pays riches ?

Bref, le monde des adultes.

Que viennent donc faire là Mbappe, Messi et tous les autres, ces centaines de gamins jouant sur un terrain de foot comme sur celui de leur enfance, sinon pour servir de boules de Noël ou de paravent afin de cacher la misère d'une sinistre arrière boutique capitalistique ?

Le Qatar fut longtemps un trou paumé pauvrissime uniquement habité par des pêcheurs faméliques trimant jusqu’à ce qu’ils découvrent (par le biais des occidentaux ?) que leurs sols regorgeaient de ressources énergétiques exploitables.
- Leur en voudrait-on, alors, à eux, de s’enrichir, de s’être enrichi, un pays du Maghreb étant forcément “douteux” par rapport aux habituels richissimes et dominants pays occidentaux qui s’en sont toujours foutus plein les fouilles justement en exploitant les ressources des autres à leur profit ? (généralement sans en laisser une miette, esclavagisant les populations à outrance).
Le très clinquant capitalisme Qatari rentrerait-il désormais en résonance négative avec le nôtre ? Qui s’essaie à être plus “branchouille”, tentant la discrétion,
jouant l'égalitaire, presque éco responsable, mais qui d’une façon détournée et après avoir pollué et pourri définitivement le monde en un siècle d’industrialisation mortifère, se met tout à coup à faire des leçons à tout le monde ?

Où lui ferait-il simplement ombrage ou mieux, dans son expression-même, concurrence ?
Les homosexuels ? Tous les pays régis par la religion musulmane ont une très fâcheuse tendance à promouvoir une chasse grandeur nature à l'homosexualité (ce que fit bien longtemps et encore philosophiquement et psychologiquement le catholicisme ici-bas). Quand ils ne pendent pas ou ne décapitent à tour de bras.

Chantiers BTP ? Ouvriers morts ? Ou sont les organisations syndicales autres que plus ou moins patronales dans nos pays à nous, à tout à coup se rapprocher du sort des ouvriers alors qu’il s’en cognent ainsi que les pouvoirs publics et la population ici bas le reste du temps ? (en des années d'ouvrier du bâtiment, je n’ai jamais vu la moindre présence syndicale autre que celle du patronat. Encore moins la ligue des droits de l'homme).

Gageons que 10 ans de travaux titanesques comme ceux du Qatar n'importe où et il serait bien possible qu'on en finisse vite par comptabiliser un nombre de morts ou d'éclopés avoisinant le chiffre en question.
(La vie de chantier)
Croyons nous vraiment, que nombre de ceux qui regardent ébahi le visage tout entier rendu à l’enfance ces matchs de foot, sont complètement dupes de ce qui se passe dans l’arrière boutique de cette sorte de capitalisme-là ? De ces sortes de pays-là ?
Le jeu et l'enfance sont innocents dans un monde qui ne l’a, en vérité, jamais été.
Peut-être prenons-nous alors simplement conscience de ça, plus que jamais. De ses multiplicités de traduction et de lisibilité du monde qui font qu'on peut en haïr profondément un aspect (géopolitique, géostratégique, sociétal, intérêts financiers, corruption, féodalité du pays choisi) tout en en adorant l'autre ? (jeu, sport, enfance, innocence, communion populaire) ?

Le jeu est probablement la seule chose innocente qui reste à l’humain et le fait encore se mouvoir et ouvrir des yeux émerveillés.
Comprendre cette enfance-là, cette soif d'enfance là, qui quelque part raconte toujours des histoires auxquelles l’on pourrait croire. Cette soif et ce désir sortis pour un temps de la normalité d'une vie auquel s'attacherait le boulet social, sociétal, et qui ne demanderait rien d’autre que de s’en extraire pour rejoindre ce qui pourrait ressembler (religieusement parlant, les sud-américains le savent bien) à une célébration.

De la vie ? De la cohésion ? Du partage ? D’une certaine joie ? D’une idée commune ? Du sentiment enfin d’exister dans un monde qui t’écrase la gueule ?
Un peu tout ça à la fois.

Le problème n’est pas le jeu, les joueurs, presque même l’organisation qui quelque part permet à cette part d’enfance de continuer à vivre, ni même ces enfants de spectateurs que nous sommes tous parfois, le problème c’est d'une réalité qu'on est incapable de changer au milieu d’une bérézina de promesses déçues.

Là que le vrai monstre s’insinue, thématique publicitaire utilisant ce terreau d’enfance pour l’instrumentaliser, le dévoyer :
“Gros gains, gros respect.” qu'
il susurre alors à l'oreille de l’enfant, victime désignée, le monstre publicitaire cynique, sans que cela ne semble plus déranger personne, à cet enfant qui croit ce qu'il voit, vit, ressent. Fric, pouvoir et promesse de domination comme s'il n'y avait plus que ça, comme modèle de vie et d’horizon possible.

C'est Publicis et consorts, les vrais criminels, les vrais collabos, qui devraient impérativement être mis au ban, envoyés à la cour pénale internationale, avec Poutine et consorts
La compétition
(traduction : çui qu’a la plus grosse/ mot cher aux ultra-libéraux de tout poil) footballistique fait le reste. Ca et désormais le pied glissé par ce charmant pays dans un coin de porte de la communauté mondiale, en influence qui se voudrait désormais prioritairement décisionnaire (j’ai le pognon, alors ferme là). Et au-delà de la corruption de fonctionnaires européens, ce sont désormais les menaces, qui viennent.
De couper quoi, le gaz ?

Tenir le coup, et relever la tête.
Mais pas pour glaner une autre coupe du monde.
Pour que cette fiction-là ne devienne pas la seule et unique réalité.



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